“Et surtout, gardez le moral !” Une phrase que les personnes malades entendent plus souvent qu’à leur tour, de la part des professionnels de santé ou de leur entourage. Cette idée que l’optimisme et les pensées positives pourraient avoir un effet bénéfique sur l’issue d’une maladie relève t-elle de la simple croyance populaire ou possède t-elle de réels fondements scientifiques ?
“Nous disposons d’études démontrant de manière avérée que l’optimisme est associé à une meilleure santé et une longévité accrue“, avance le Pr Antoine Pelissolo, psychiatre, chef du service de psychiatrie à l’hôpital de Créteil (1). Pouvons-nous pour autant en déduire que les optimistes combattent mieux la maladie ? “Certaines recherches ont mis en évidence de meilleurs pronostics en cas de maladies chroniques, en particulier pour les maladies cardiaques, ainsi qu’une réduction potentielle de la mortalité“, affirme Sarah Mansfield, médecin généraliste et maître de conférences à l’Université de Deakin en Australie (2). Il semblerait donc que les tenants du verre à moitié plein disposent de certaines cartes pour guérir …
• Confiant en son traitement
Contrairement à certaines idées reçues, l’optimisme ne consiste pas à contempler béatement l’univers avec des lunettes roses. Cela passe plutôt par le fait de nourrir une vision positive de soi dans le monde : la personne optimiste se sent capable de s’adapter à toutes les situations, même les plus défavorables. “Ainsi, quand un individu optimiste est malade, il croit en ses chances de guérir et en l’efficacité du traitement prescrit. Du coup, en général, il l’observe très scrupuleusement, ce qui est évidemment favorable à la guérison. Par ailleurs, les pensées positives qu’il nourrit diminuent probablement la perception des effets secondaires désagréables et de la douleur. Ce qui là encore facilite l’observance et entretient la motivation à tenir bon“, décrit le Pr Pelissolo.
Autre élément qui peut servir l’optimiste et le soutenir dans son processus de rétablissement : sa sociabilité. “Les individus optimistes sont peu prédisposés à la solitude et au contraire bien entourés. Souvent parce que leur vision positive de la vie s’avère attractive pour les autres. Aussi parce qu’ils sont facilement enclins à se lier, convaincus que la fréquentation de leurs congénères peut leur apporter du plaisir. Or, bénéficier d’un soutien de l’entourage fait partie des critères importants de guérison en cas de maladie“, insiste le Pr Pelissolo.
• Moins de stress et plus d’autoguérison
L’optimisme peut-il produire des effets biologiques dans le corps ? La réponse est oui ! Il possède en effet le pouvoir de diminuer le stress, pire ennemi de notre système immunitaire, qu’il empêche de fonctionner à plein rendement, et donc de se battre au mieux contre la maladie. “S’attendre à des événements positifs quant à l’issue de sa pathologie fait baisser le niveau de stress et d’anxiété de façon conséquente. L’optimisme conduisant à espérer plutôt qu’à se résigner, à agir plutôt que rester paralysé, à tester des solutions plutôt que se replier dans le fatalisme, il donne le sentiment de reprendre le contrôle sur sa destinée. Porté par l’optimisme, on subit moins de stress“, explique Charles Martin-Krumm (3), président de l’Association française et francophone de psychologie positive.
Il a aussi été établi que les personnes positives étaient plus sensibles à l’effet placebo. “Les capacités d’autoguérison, c’est-à-dire l’aptitude à mobiliser ses propres ressources pour guérir, sont plus importantes chez les optimistes que chez les pessimistes“, confirme le Pr Pelissolo. Alors qu’environ un tiers de l’effet clinique observé pour tout médicament est dû à l’effet placebo, on peut aisément imaginer que les optimistes réussissent à profiter encore davantage de cette part-là.
• Le pessimisme, une stratégie aussi…
Mais gare aux malentendus car tous les optimismes ne se valent pas ! “Ainsi, être animé par un optimisme irréaliste peut se révéler particulièrement délétère dans le domaine de la maladie. C’est comme ça que des personnes vont soigner un cancer avec des plantes parce qu’elles croient fermement que rien de grave ne peut leur arriver, que tout va s’arranger sans qu’il soit besoin d’une chimiothérapie“, alerte Charles Martin-Krumm. Attention aussi à ne pas s’imposer trop de pression! “Un malade ne doit jamais ressentir de la culpabilité parce qu’il ne parvient pas à envisager l’avenir de manière sereine, à être suffisamment battant. Il a le droit d’avoir peur, d’être angoissé ou en colère. Un optimisme forcé et factice qui étoufferait les émotions négatives serait totalement contre-productif” souligne le Pr Pelissolo. Il constituerait alors un fardeau émotionnel particulièrement “plombant” dans une période où le malade a au contraire besoin de toute son énergie.
D’ailleurs, le pessimisme n’est pas toujours un empêcheur de guérison. “Chez certaines personnes, il est défensif et surtout stratégique. Elles ont besoin d’en passer par l’élaboration de scénarios catastrophe pour mieux se préparer à faire face à l’épreuve qui les attend. En l’occurrence, suivre un traitement souvent lourd et désagréable, accepter de changer des habitudes de vie“, explique Charles Martin-Krumm. En revanche, le pessimisme devient potentiellement dangereux quand il nous enferme dans le fatalisme, sur le mode « à quoi bon me soigner puisque de toute façon je n’irai pas mieux ».
• L’esprit positif, ça se cultive !
Si nous avons tendance à ne considérer la vie que dans ses nuances de gris (ou même de noir), il peut s’avérer bénéfique pour notre santé de s’essayer à l’optimisme. Au moment même où nous traversons la maladie si nous nous en sentons la force ou bien une fois guéris. Par exemple, pour ne pas nous laisser happer par le film sans cesse projeté dans notre tête d’une rechute. La bonne nouvelle, c’est que, même si la génétique nous a peu dotés en la matière, cet état d’esprit peut parfaitement se cultiver. “On estime que l’optimisme est pour un tiers biologiquement déterminé et pour les deux autres tiers acquis au cours de l’enfance et des expériences de vie ultérieures. Il reste donc très largement accessible au changement à tout âge de la vie“, encourage le Pr Pelissolo.
Mais comment s’y prendre pour mener à bien cette reprogrammation ? “Par exemple, en essayant de modifier sa grille de lecture des événements qui nous arrivent, encourage Charles Martin-Krumm. En sortant d’une séance de chimiothérapie épuisante, un malade peut tenter de se dire : ma fatigue et mes nausées ne sont que transitoires ; je sais, l’ayant déjà vécu, que je me sentirai mieux dans quelques jours ; je ne peux pas marcher longtemps, mais je peux m’asseoir un moment sur une terrasse au soleil. Des études montrent que les personnes ayant ce style explicatif positif du monde ont un système immunitaire plus performant et se remettent plus vite. Cela vaut la peine d’essayer !” Autre idée, coller partout dans la maison des Post-it avec des mots positifs : quand une difficulté se présente, ce bain ambiant a tendance à amorcer une réflexion optimiste. Chaque jour, nous pouvons nous amuser à inventer une fin positive à des mésaventures un peu désagréables qui nous sont arrivées dans le passé. Et encore dresser quotidiennement la liste de cinq événements qui nous ont donné satisfaction. À chacun de se concocter son petit entraînement personnel!
(1) Auteur de “Vous êtes votre meilleur psy!”, éd. Flammarion.
(2) Article paru dans The Conversation, “Notre état d’esprit affecte-t-il notre capacité à récupérer d’une maladie?”, octobre 2019.
(3) Auteur de “Découvrir la psychologie positive”, InterEditions.
Isabelle Gravillon