Déconfinement : le casse-tête qui ne règlera pas tout !

Selon des évaluations d’épidémiologistes, seule 3 % de la population française serait aujourd’hui immunisée. Un chiffre très insuffisant pour stopper définitivement la propagation du virus.

Revers de la médaille, en freinant la vague épidémique, les autorités ont aussi retardé le moment où suffisamment de Français seront immunisés pour stopper définitivement la propagation du coronavirus. Faute de disposer d’un vaccin, cette « immunité de groupe » ne peut être acquise que par un contact avec le SARS-CoV-2, le virus responsable du Covid-19. Pour l’atteindre, les épidémiologistes estiment qu’environ 60 % de la population devrait avoir été infectée. La question à se poser sur la fin du confinement n’est pas seulement « quand », mais aussi « comment ». Car, au fil des semaines, se dessine un scénario beaucoup plus complexe qu’une levée pure et simple des mesures mises en place en France contre le Covid-19 depuis le 17 mars à midi.

Cette bonne nouvelle augure pourtant de difficultés futures. Une sortie brutale et mal préparée du confinement pourrait bien relancer l’épidémie. Une bonne partie des confinés seront en effet contagieux – parfois même sans le savoir, car une grande partie des porteurs du virus n’ont aucun symptôme. Si elles se mêlent au reste de la population, ces personnes risquent d’en contaminer d’autres et, ainsi, de relancer la diffusion du virus.

Sans compter que le problème ne s’arrête pas aux frontières de la France. Même si le virus disparaissait du territoire national, il risquerait d’être de nouveau importé par des personnes en provenance de l’étranger. Il suffirait alors d’une poignée de cas pour que l’épidémie reparte en flèche. C’est ce que l’on appelle le risque de « deuxième vague ».

Le problème est que nous n’avons pour l’instant pas de vaccin contre le SARS-CoV-2 – et que malgré les efforts des chercheurs, celui-ci n’arrivera probablement pas avant au moins un an. On ne peut donc compter pour l’instant que sur la protection naturelle des personnes déjà contaminées. Attendre que la population atteigne le seuil de l’immunité collective est une option très risquée : cela supposerait qu’au moins 40 millions de Français soient infectés, ce qui pourrait engendrer des centaines de milliers de morts. Or, il n’y a encore aucune certitude sur la durée de l’immunité acquise par les personnes guéries du Covid-19. Se compte-t-elle plutôt en semaines, en mois, en années ? 

Préserver à tout prix notre système de santé, mais à quel prix ?

Depuis un mois, « toute notre énergie, toute notre force, doivent se concentrer sur un seul objectif : ralentir la progression du virus », comme l’a expliqué Emmanuel Macron le 16 mars. L’objectif affiché, c’est de sauver le plus possible de vies et de préserver à tout prix notre système de santé dans ses dimensions humaines, matérielles, opérationnelles quelque soit l’âge, la pathologie et sans  rationnement. Ce choix était le seul possible, mais à une priorité absolue, nous en avons sacrifié deux autres.

D’une part, nos libertés fondamentales, comme celles de se réunir, d’aller et venir – libertés abolies en quelques heures par un décret, puis par une loi d’urgence. D’autre part, nous avons plongé notre économie dans un coma artificiel au coût exorbitant.

Option 1 : abandon des plus faibles

Doit-on sacrifier des vies comme c’était le cas au temps de la grippe espagnole qui a fait des millions de morts pour retrouver nos libertés et relancer l’économie ? Pourquoi parle-t-on autant du Covid et si peu du cancer, des maladies cardio-vasculaires, ou même de la pollution atmosphérique, autrement plus mortelles ? Est-il besoin de rappeler que même si les morts du Covid sont en très grande majorité des personnes âgées, la moitié des patients en réanimation aujourd’hui ont moins de 65 ans. Ajoutons à ce carnage les morts « indirects », ceux qui ne se font plus soigner par manque de place et de disponibilité (cancer, infarctus…). Alors difficile de dire : “Laissons filer l’épidémie”, sans parler des inquiétudes des personnes à reprendre leur travail et d’être infectées.

Option 2 : abandon de la relance économique

Préserver le système de santé reste la priorité tout en ne transigeant pas sur nos libertés individuelles et attendre le temps nécessaire, sans souci de l’économie. L’Etat a trouvé des ressources pour financer un plan d’urgence vertigineux pour indemniser 8 millions de salariés au chômage partiel. Il faudra bien que quelqu’un paie un jour mais si l’économie doit en ressortir « allégée » de quelques points de PIB, après tout, cette remise en cause de l’ordre néolibéral mondialisé sera bonne pour la planète. Sauf que le problème urgent, ce n’est pas de payer mais c’est la paralysie de l’offre et de la demande. C’est l’idée économique la plus élémentaire qui soit : les dépenses de l’un sont les revenus de l’autre, qui les dépense à son tour chez le troisième, etc. Quand plus personne ne consomme, ne produit, ni n’investit, il n’y a plus d’économie qui tienne.

N’oublions pas l’économie, ce n’est pas seulement une question d’argent. Une économie arrêtée par le confinement, c’est aussi un monde sans enseignement, sans culture, sans rencontres, sans espoir de mobilité sociale. C’est l’aggravation d’innombrables problèmes de santé, notamment mentale. Et des millions de chômeurs en plus, même indemnisés, c’est une somme indicible de malheurs humains. Ce n’est pas parce qu’on émettra des coronabonds que le problème disparaîtra.

Option 3 : la reprise partielle de l’économie en préservant la santé

 Le redémarrage sélectif de certaines activités se mesurera au rapport bénéfice-risque le moins défavorable possible. Hélas, sa mise en œuvre ne sera pas simple. D’abord, certains secteurs essentiels (comme l’enseignement) ou fortement créateurs d’emploi (comme la restauration ou les services à la personne) sont aussi ceux qui se prêtent le moins à la distanciation sociale. Pourquoi les écoles et pas les stades ? Pourquoi votre entreprise et pas la mienne ? Nos bureaucrates, on peut en être certain, ne manqueront pas de créativité… mais susciteront forcément l’incompréhension, la jalousie, et au bout du compte la résistance. 

D’accord pour sauvegarder la santé et l’économie mais au prix de quelles libertés ?

Remettre en marche l’économie tout en préservant le système de santé, en triant la population entre ceux qui sont confinés et ceux qui ne le sont pas impose un critère de sélection entre les confinés et les libérés. Et là, on arrive vite à de douloureux compromis sur les libertés individuelles. Fera-t-on un tri par classe d’âge, ou par risque de santé. Une piste à l’étude serait par exemple de prolonger le confinement des personnes de plus de 70 ans, qui sont les plus vulnérables. L’impact économique serait minime. Le défenseur des droits a jugé récemment qu’il était illégal d’interdire aux enfants l’accès aux supermarchés ; on voit mal pourquoi il serait acceptable d’interdire aux personnes âgées de sortir de chez elles…

Une application mobile pour le suivi des populations

Identifier les porteurs potentiels du virus suppose, d’abord, assez de tests, mais ensuite, l’identification des personnes qui ont été exposées à une personne contaminée, et qui sont donc elles-mêmes à risque. C’est un travail colossal de reconstituer la vie sociale passée du porteur de virus, prévenir tous ceux qu’il a croisés… Cette solution est la moins compatible avec l’idée que nous nous faisions, encore récemment, de nos libertés individuelles. Cela pourra passer par la généralisation d’une application mobile permettant un suivi de masse des populations comme un élément indispensable pour permettre un déconfinement. Toutefois, ce suivi électronique ne sera pas forcément suffisant et les problèmes techniques ne sont pas à ce jour résolus. Est-ce gravement attentatoire à la vie privée ? Oui ! Rappelons qu’aujourd’hui, pratiquement 100 % des français sont confinés à résidence, ce n’est pas mieux en terme de libertés individuelles !

Déconfinement à haut risque

Quelque soient les solutions retenues, nous prenons le risque d’un deuxième assaut du virus. Pour autant, rester confinés met en périls nos acquis économiques qui sont déjà gravement impactés. Il faudra gérer les faillites et toutes les conséquences de cette pandémie à tous les niveaux de la société et des individus. Bienveillance, entraide, solidarité, créativité et confiance nous serons nécessaires pour relancer la machine économique et nos vies. Il est à souhaiter que nous tirerons des enseignements de cette catastrophe pour nous prévenir du prochain coup dur !


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0 commentaire sur “Déconfinement : le casse-tête qui ne règlera pas tout !”

  1. Bonsoir Thierry
    Très instructif cet article. Il met bien en évidence toute la complexité de la gestion de cette crise sanitaire. Il n’y a pas de solution idéale face aux problèmes complexes du déconfinement…. cette phase 4 de sortie de crise n’est pas une simple formalité mais bien un ensemble de risque de voir resurgir une nouvelle vague d’infection pour autant pouvons/devons nous rester enfermés en attendant le vaccin!!!

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